LE NAUFRAGE DE LA FREGATE « LA SEMILLANTE »
Elle
avait belle et fière allure cette frégate à voile de la marine
impériale, la « Sémillante » ! Son naufrage aura
coûté la vie à près de 700 hommes, le chiffre exact n’ayant jamais
pu être établi avec précision.
Le
courrier de Marseille du 12 février 1855, rapporte : « Un
détachement de la 3e batterie du 3e
d’artillerie et 480 hommes de troupes pris dans les 76e,
78e, 83e, 87e, 88e et 90e
de ligne, et destinés au 15e de ligne,
s ‘embarquèrent le 11 de ce mois sur la frégate de premier rang
la Sémillante, qui doit se rendre à Constantinople »
La
Sémillante était une grosse frégate à trois mâts, en bois, à
voile équipée de 56 canons, une longueur de 54 mètres pour 14
mètres de large, un déplacement de 2.600 tonnes et une hauteur
de mât de 55 mètres. Elle était normalement armée de 12
officiers et 510 hommes. Mise sur cale à Lorient le 19 mars
1827, elle sera lancée le 16 février 1841.
Elle opéra très peu jusqu’en 1854, date à laquelle ce
bâtiment sera affecté à la flotte qui opérait en Baltique au
côté de la marine Anglaise. En septembre, elle rejoint Brest
pour être équipée en transport de troupes. En janvier 1855,
elle rejoint le port de Toulon avec un équipage réduit à 300
hommes. La Sémillante quitte Toulon le 14 février 1855 sous
les ordres du capitaine JUGAN, à destination de la Crimée, en
Mer Noire, pour apporter aux forces Françaises des vivres, des
vêtements, des renforts de troupes et du matériel militaire
comprenant : quatre canons de 24, six mortiers de 32, dix
mortiers de 27, mille obus de 15 centimètres, vingt affûts de
mortiers, 1500 bombes de 27, cent vingt barils de poudre de
50kg, vingt plates-formes complètes et divers accessoires pour
canons et mortiers, des baraques démontées et divers
assortiments de bois, soit 400 tonnes de cargaison. |
La Sémillante, par J. WELLIS |
Glaives Troupe à Pied, modèle 1831 (Musée A. Bandera à Ajaccio) |
L’appareillage se fait sous un coup de vent violent. Pendant la nuit, le temps se détériore plus encore. Au large de la Corse, à hauteur de Bonifacio, la tempête fait rage, soulevant une mer monstrueuse. Vers 10 heures, le 15, le gardien du phare de la Testa aperçoit le bateau qui avance en visibilité réduite. Vers midi, la frégate éclate sur la Roche du Briquet, à l’extrémité sud-ouest de l’île de Lavezzi, après avoir perdu son gouvernail. Le 16 au matin, la tempête a faibli, la mer commence à rejeter des débris divers, des vêtements, des corps… 532 corps seront inhumés sur l’île. Les victimes seront vite oubliées parmi les 95.000 morts Français de la guerre de Crimée (25.000 au combat et 70.000 du choléra). Quelques soldats Haut-Rhinois se trouvaient sur ce navire. Le 29 mai 1855, le Ministre de la Guerre demande aux Préfets d’établir un état concernant les militaires originaires de communes de leur ressort. Voici le texte : |
Des
militaires faisant partie de l’armée de terre qui ont succombé,
quelques uns, domiciliés dans votre département, y ont encore
leurs parents. Vous en trouverez ci-joint la liste, et comme à
défaut de veuves et d’enfants, leurs ascendants pourront être
appelés à prendre part à la répartition en proportion ou préjudice
qu’ils éprouvent par la perte de leurs enfants, ainsi qu’en raison
de la position de leur famille dans laquelle ils se trouvent, je
vous prie de vouloir bien faire établir, pour servir à
l’appréciation de leurs titres, un état dont le modèle est
également ci-joint. Cet état devra contenir, indépendamment des
renseignements qui y sont consignés, toutes les observations que
vous jugerez propres à bien fixer la Commission sur la situation
des familles dont il s’agit.
Il importe à l’efficacité de ses secours que la répartition ne se fasse pas attendre, et cependant la Commission ne peut commencer ses travaux que lorsqu’elle aura été mise en possession des renseignements que je vous ai demandé. Je vous prie donc instamment à faire les dispositions nécessaires pour que ces renseignements, immédiatement recueillis me soient adressés le plus tôt possible, sans toutefois que la promptitude que je réclame puisse nuire à leur exactitude. »
TABLEAU DES SOLDATS HAUT-RHINOIS AYANT ETE SUR LE NAVIRE :
ETAT-CIVIL ET SITUATION DES
MILITAIRES |
ETAT-CIVIL, SITUATION
ET RESIDENCE DES ASCENDANTS |
SITUATION DES COLLATERAUX (FRERES ET SŒURS) |
Observations |
DUMOULIN David
Blaise Fusilier au 87e Rgt de ligne Né à
Thannenkirsch le 23 février
1826 |
DUMOULIN David
78 ans,
domestique et feue Françoise
GARDON . indigent . résidence à
Thannenkirch |
néant |
Le père Dumoulin était toujours un homme laborieux que pour gagner sa subsistance il était pendant 6 ans en condition en qualité de domestique chez un propriétaire. L’année passé lorsqu’il labourait un champ il arriva qu’il devait retourner sa charrue et comme les forces lui manquaient, il s’est cassé la hanche et de sorte qu’il se trouve aujourd’hui dans l’ indigence complète ne vivant que des personnes charitables de la commune il est digne d’intérêt. Comme
Dumoulin est vieux et estropié une pension lui serait plus
avantageuse, attendu qu’il se trouverait toujours des
personnes qui lui donneraient les soins pour la pension. Ce
militaire n’a demeuré que peu de temps à Bergheim avant son
entré au service. |
FOUCY François
Fusilier au
85e Rgt de ligne Né à Anjoutey
le 14 novembre
1822 |
FOUCY Jean
Pierre et MONNIER
Françoise . résidence à
Anjoutey |
|
Ce militaire
n’a pas délaissé d’ascendants |
BAUR Léopold Fusilier au
85e Rgt de ligne Né à Munster le 3 mai 1830
|
BAUR Léopold 53 ans,
Ouvrier de fabrique et WERCK
Elisabeth 49
ans . pas de fortune . résidence à
Kaysersberg |
-Elisabeth, 23
ans, mariée -Catherine, 21
ans, ouvrière de fabrique -Jean, 19 ans,
rattacheur -Anne Marie,
17 ans, ouvrière de fabrique -Joseph, 15
ans, bobineur -Charles, 13
ans, bobineur -Jacques, 9 ans, écolier -Madeleine, 4
ans |
La
famille Baur ne possède absolument rien. Le Sr BAUR ,
père n’a d’autres ressources que son salaire d’ouvrier de
fabrique et 5 de ses enfants travaillent dans les
manu-factures. |
NELLI Ambroise Fusilier au
85e Rgt de ligne Né à Oderen le 4 avril
1831 |
NELLI Antoine 67 ans,
bûcheron et feue JACOB
Thérèse . sans fortune . résidence à
Kruth |
6 enfants sont
mariés et un est militaire au 61e ou 67e Rgt de ligne |
Le
père vieux et infirme est complètement dénué
de res-sources. |
BERGER Clément Fusilier au
87e Rgt de ligne Né à Bergheim le 6 janvier
1833 |
feu BERGER
Clément et HOMMEL
Catherine . sans fortune . résidence au
Havre |
5 enfants |
La
Vve BERGER se trouvant sans moyen d’existence à Bergheim a
quitté cette commune il y a 8 mois pour rejoindre son fils
Joseph commis marchand de vin au Hâvre. |
GUTZWILLER
Etienne Léger Fusilier 85e
Rgt de ligne Né à
Tagolsheim le 12 octobre
1832 |
GUTZWILLER
Joseph charron
et WOLFF Adèle . Gêné, n’a
plus que la rever-se de 75 ares de terre . résidence à
Tagolsheim |
5 enfants d’un
premier lit, dont 4 mariés et 1 céliba-taire qui a émigré en
Amé-rique |
Par
suite de partage de ses biens entre les enfants du premier
lit, le père Gutzwiller n’a que la jouissance de 7 ares de
terre dont le produit joint à ce que lui rapport son état de
charron, lui procure à peine les moyens d’existence
suffisante. |
BEDO Charles Fusilier au
85e Rgt de ligne Né à Dambach le 22 juin
1829 |
feu BEDO
Laurent et feue
FITTER Elisabeth. . résidence à
Bergheim et à Dambach (Bas-Rhin) |
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DREYFUS
Raphaël Fusilier au
85e Rgt de ligne Né à Mulhouse le 7 novembre
1836 |
DREYFUS Marc commis
et PICARD Sara . Jouit d’un traitement an-nuel de 1400f possède une maison d’une valeur de 4000f pour laquelle il doit la moitié . résidence à
Mulhouse |
-1 fille de 21
ans -1 garçon de
17 ans -1 fille de 13
½ ans |
Cette famille
sans être a son aise, a pu subvenir jusqu’à présent à ses
besoins. |
HAUGER André Fusilier au
85e Rgt de ligne Né à
Algolsheim le 22
septembre 1830 |
HAUGER Joseph 55 ans, maçon et feue WECKERLE
Catherine . sans fortune
et bien pauvre . résidence à
Algolsheim |
-Jean 22 ans -Antoine 11
ans -Joseph 9ans -Georges 3 ans -Madeleine 14
ans |
Le père est
marié en seconde noce et se trouve dans une indigence
complète. |