L’ALSACE ET LE KOUGELHOF
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je
ne peux résister au plaisir de vous parler de l’Alsace et du
« Kougelhopf » qui a toujours eu une première place sur
toutes les tables alsaciennes, qu’il s’agisse d’une fête familiale ou
d’une réception officielle.
Dans un article paru dans le Journal
l’Alsace en 1974, il est question d’un médecin de la région de
Castres, Charles VIDAL, qui fut mobilisé en 1914-1918 et qui séjourna
en Alsace pendant trois années. Il s’intéressa aux traditions et aux
légendes populaires qu’il consigna et publia en 1927 sous le titre
« Trois légendes d’Alsace ». Une de ces histoires lui fut
rapportée par un alsacien et recomposée par lui « sur la ligne de
feu », à « Saint-Cosme-Bellemagny, le 10 juin 1917 ».
Le récit qu’il fit fut adapté au milieu local, le cadre, un étang près
d’un monastère dont les religieuses sont de Bellemagny…
Mais voilà l’histoire. Après un violent
orage, une fois le calme revenu, les animaux se réunirent autours
d’une grenouille qui raconta : « Dieu créa Adam et Eve, mais
le diable est jaloux de Dieu et créa à son tour un couple, souche
d’une autre humanité, de la race luciférienne, opposée à la race
divine. Mais le diable ne réussit pas aussi bien que Dieu, de sorte
que ses créatures ne peuvent parler qu’en émettant des sons rauques et
disharmoniques, comme la colère et la haine ». Et la grenouille de
préciser : « Dieu lui-même décréta que de ce couple créé par
le diable naîtra une race gonflée d’orgueil, jaloux et plein de haine,
le peuple allemand. » Il est évidemment nécessaire de replacer ce
récit dans le contexte de l’époque où il était question de propagande
et de rivalité, chaque camp disant avoir Dieu avec soi et le diable
contre lui. VIDAL rajouta à cette histoire classique du peuple de Dieu
opposé à celui de satan, une spécificité qui fit soi-disant dire à
Dieu : « Mais il y aura un autre peuple et ce peuple sera le
peuple d’amour : celui d’Alsace, qui en plus de la langue de sa
patrie parlera celle du peuple allemand, afin de suppléer à
l’imperfection de l’œuvre du diable ! » Si vous souhaitez
entendre par vous-même cette histoire, peut-être vous suffira-t-il de
vous rendre à Bellemagny, un soir d’orage, pour écouter ce que raconte
la grenouille…
En 1979, dans un article des Dernières
Nouvelles d’Alsace, le conservateur du Musée Alsacien, Monsieur
KLEIN, nous parle de celui qui jamais ne manque un
rendez-vous : le « Kougelhopf » ! Une tradition
plusieurs fois séculaire resserrait les liens d’amitié et de bons
voisinages dans nos campagnes. A toute noce paysanne, les invités
étaient tenus avant d’aller à l’église de se fortifier avec quelques
tranches de Kougelhopf, accompagnées de café ou de vin ! Déjà
la veille, chaque notable de la localité recevait un Kougelhopf,
ainsi que les voisins immédiats. On ne sait jamais de qui on peut
avoir besoin, autant entretenir les bonnes relations… Dans les fêtes
de familles, lors des fêtes villageoises, les kilbes, ce symbole
d’amitié, de convivialité, d’hospitalité, d’estime, se dégustait à
chaque occasion.
Mais quelle est son origine ?
Marie-Antoinette l’aurait introduit dans le Royaume… Selon certains…
Toujours est-il que son épanouissement fut atteint en Alsace !
Ribeauvillé en serait le berceau. Le moule en terre vernissée serait a
attribuer à un potier local du nom de KUGEL. Voici la légende telle
qu’elle est racontée : « Le potier KUGEL avait accordé
l’hospitalité à trois voyageurs désireux de se rendre à Cologne. Ces
trois mystérieux voyageurs ne seraient autres que les rois mages
Caspar, Melchior et Balthasar, revenus de Terre Sainte après
l’adoration de l’enfant Jésus. Pour remercier le modeste potier de
Ribeauvillé pour son hospitalité, ils profitèrent de la nuit pour lui
créer un gâteau spécial avec son moule. Ainsi naquit le
kougelhopf ! »
Invraisemblable, sans doute, mais cette
légende teintée de mystère a un côté merveilleux, voire même
miraculeux, laissons cette histoire dans la tradition alsacienne telle
qu’elle est et laissons-lui ses origines à Ribeauvillé.